Le personnage qu’est devenu Peter McLeod junior est entouré de mystère. L’homme métis reconnu pour être le fondateur de la ville de Chicoutimi n’a pas eu une fin de vie de tout repos. Son décès est particulièrement mystérieux, car une légende entoure la cause de sa mort. Même à l’époque, en 1852, les circonstances entourant son décès sont nébuleuses et les rumeurs s’enchainent. La légende raconte que la mort de McLeod ne serait pas naturelle et aurait été commanditée par son associé William Price père.

Selon des correspondances entre Mgr Victor Tremblay et Eugène Caron [1], Peter McLeod serait tombé malade quelques semaines avant de succomber. Il aurait été soigné par le seul médecin de Chicoutimi à cette époque, Dr Cyrille Dubois [2]. Insatisfait des soins apportés à McLeod, son associé William Price lui envoie un médecin en provenance de Québec, un certain Dr Indian, réputé pour guérir les morts [3]. Selon la lettre de M. Caron envoyé en 1934 à Mgr Tremblay, McLeod n’aurait pas survécu longtemps aux bons soins du médecin de Québec. Ce dernier se serait suicidé quelques semaines après l’inhumation de la dépouille de McLeod dans le cimetière réservé aux autochtones situés près de la vieille chapelle des Jésuites au Bassin de Chicoutimi [4].

Source: Société historique du Saguenay, FPH65, P05257-1

Le mystère s’épaissit lorsque le cimetière est déménagé en 1874 [5] et que les ossements de McLeod sont exhumés. Voici un extrait du mémoire d’Eugène Caron qui raconte l’exhumation de la dépouille de McLeod.

« McLeod avait été enterré dans le cimetière des sauvages près de la vieille chapelle du Bassin. En 1874, ce cimetière fut déplacé aux frais du gouvernement fédéral. C’est mon père qui en était chargé. Il donna le contrat du travail à Georges Bilodeau. Les ossements exhumés étaient mis dans une boîte, qui a été enterrée dans le cimetière actuel. Je me rappelle bien qu’un midi Bilodeau arriva chez nous et dit à mon père : « Venez, je viens de lever McLeod.”’ Nous y allâmes tous. J’ai vu avec eux le cercueil ouvert : le pantalon était en poussière ; les os de la jambe remontés vers les fémurs, se croisant de quelques pouces. Il paraît que ça fait comme ça, quand on est mort. Il avait un palais en or et sa grosse perruque noire. Sa tête reposait sur un oreiller de ripes. Il n’y avait que des os ; mais les intestins et le cœur étaient bien conservés et humides… Ce qui fait dire que McLeod a dû être empoisonné. Bilodeau demanda à mon père ce qu’il allait en faire, vu qu’il ne pouvait pas le mettre avec les corps des catholiques. Mon père l’envoya demander à William Price des ordres à ce sujet. Price répondit : « Je ne veux avoir rien à faire avec cela. » [6]

Les rumeurs sont fortes auprès des habitants de Chicoutimi, et il y a plusieurs témoignages qui corroborent l’idée que McLeod aurait été empoissonné par Price pour que ce dernier puisse obtenir ses possessions.

« Pitre McLeod, le héros, extrait du cimetière des sauvages, a été enterré dans le cimetière de la cathédrale (dans le coin vers le rang St-Thomas) dans une fosse commune (de 15 à 18 pieds carrés, pour tout mettre : une quinzaine de boîtes d’ossements) dans le terrain réservé aux enfants morts sans baptême. […] Le corps de Mcleod n’était que des os secs : mais le cœur était conservé gros comme un peu moins que le poing, et une partie très saine. Ses ossailles ont été mises avec les autres. C’est une chose que je puis jurer. […] On a toujours dit que les Price ont empoissonné Pitre McLeod pour avoir ses biens. C’est ce que disait mon père et ma mère, ainsi que mon beau-père et ma belle-mère. » [7]

L’histoire a démontré que la mort de McLeod en 1852 s’est avérée avantageuse pour William Price qui en a pris possession des moulins à scie de Chicoutimi et de Rivière du Moulin.

Évidemment, tout ceci tient de la légende et des témoignages d’une population tissée serrée comme celle de Chicoutimi à l’époque. Il va sans dire que cette légende suscite l’intérêt d’historiens et d’amateurs. Ce mythe a même fait l’objet d’un article dans la revue Concorde en 1955 [8]. Le prêtre, auteur de l’article, conclut son texte en infirmant totalement la légende : « Il fut bien soigné jusqu’à son dernier soupir, par deux médecins canadiens-français ; il ne fut pas empoisonné.» [9]

[1] Société historique du Saguenay, P002, S02, D0122

[2] Jérôme Gagnon, « Révélation dans le dossier McLeod », Saguenayensia, vol. 42, no 2, 2000, p. 4-5; Société historique du Saguenay, P002, S02, D0122

[3] Duberger, J.-B. – Bélanger, Léonidas, – Kane, John – Roy, D., « Peter McLeod jr (1807 (?)-1852) », vol. 20, no. 1, 1978, p. 22-24; Société historique du Saguenay, P002, S02, D0122

[4] Duberger, J.-B. – Bélanger, Léonidas, – Kane, John – Roy, D., « Peter McLeod jr (1807 (?)-1852) », vol. 20, no. 1, 1978, p. 22-24; Jérôme Gagnon, « Révélation dans le dossier McLeod », Saguenayensia, vol. 42, no.2, 2000, p. 4-5; Société historique du Saguenay, P002, S02, D0122

[5] Duberger, J.-B. – Bélanger, Léonidas, – Kane, John – Roy, D., « Peter McLeod jr (1807(?)-1852) », vol. 20, no. 1, 1978, p. 22-24

[6] Société historique du Saguenay, P002, S3, P084

[7] Société historique du Saguenay, P002, S1, D0002, P04

[8] Maheux, Arthur, « Le cas de Peter McLeod, jr., » Concorde (Québec), 1955, no.5, p.23.

[9] Maheux, Arthur, « Le cas de Peter McLeod, jr., » Concorde (Québec), 1955, no.5, p.23.